Le glyphosate est de loin le pesticide le plus vendu au monde avec près de 8 milliards de chiffre d’affaires en 2022 et plus de 10 milliards attendus d’ici à 2030. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé aux Etats membres de renouveler pour dix ans l'autorisation du glyphosate dans l'UE, sur la base du rapport de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Or dans ce rapport, un certain nombre d’effets potentiellement graves sur la santé ont tout simplement été ignorés ou minimisés.
Le glyphosate est de loin le pesticide le plus vendu au monde avec près de 8 milliards de chiffre d’affaires en 2022 et plus de 10 milliards attendus d’ici à 2030. Herbicide à large spectre, facile d’utilisation et redoutablement efficace, il est devenu avec le temps la pierre angulaire de l’agriculture industrielle. Aujourd’hui, sans glyphosate, impossible de produire à bas coûts les matières premières dont l’agro-alimentaire et l’élevage intensif ont besoin.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé aux Etats membres, mercredi 20 septembre, de renouveler pour dix ans l'autorisation du glyphosate dans l'UE, sur la base du rapport de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimant que cet herbicide ne présentait pas de « domaine critique de préoccupation ». Cette décision devrait être validée courant octobre.
Donc circulez, il n’y a plus rien à voir?
Et bien, pas vraiment… car le rapport de l’EFSA, en se fondant presque essentiellement sur les études réalisées par les fabricants eux-mêmes - la plupart des études scientifiques indépendantes étant tout simplement exclues ou jugées non pertinentes - a ignoré ou minimisé un certain nombre d’effets potentiellement graves comme l’impact sur le microbiote, la neurotoxicité, les modes d’action épigénétique ou les perturbations endocriniennes.
Notre tube digestif abrite pas moins de 1013 micro-organismes, soit autant que le nombre de cellules qui constituent notre corps. Cet ensemble de bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes constitue notre microbiote intestinal (ou flore intestinale).
En ciblant une enzyme que l’on retrouve chez les plantes mais aussi chez les bactéries, le glyphosate est suspecté d’entrainer, même à faible dose, une dysbiose du microbiote intestinal, c’est-à-dire une perturbation de l’équilibre du microbiote.
Un étude a montré que l'exposition de rats femelles à des doses considérées comme "sûres" de glyphosate (ou produits à base de glyphosate GBH) entrainait des changements significatifs de la composition bactérienne du microbiote des petits, réduisant le nombre des bactéries sensibles et utiles comme les Lactobacilles au profit de bactéries résistantes de la famille des Bactéroïdes ou même toxiques comme les salmonelles.
Chez l’homme, il a été évalué que plus de la moitié des espèces de bactéries présentes dans le microbiote intestinal est sensible au glyphosate.
De nombreuses études suggèrent que la réorganisation de la flore intestinale en nombre et en diversité prédispose à certaines pathologies telles que les troubles inflammatoires de l’intestin, les troubles anxieux et dépressifs, l’obésité ou le diabète.
La neurotoxicité est tout effet indésirable pour le système nerveux (p. ex. trouble locomoteur ou de la mémoire) résultant d'une exposition à des substances potentiellement toxiques.
Des études récentes montrent que le glyphosate est capable de franchir la barrière hémato-encéphalique (qui protège le cerveau des toxines) et de s’accumuler dans le cerveau, affectant le développement du système nerveux central chez le rat, lors d’expositions prénatales, avec des effets sur le comportement et l’activité motrice de la progéniture ou altérant la synthèse de neurotransmetteurs comme la dopamine ou la sérotonine, provoquant des déficits locomoteurs ou un état dépressif.
Une étude se basant sur 2961 individus vivants en Californie et souffrant de troubles du spectre autistique avec ou sans déficience intellectuelle, montre une corrélation nette entre exposition prénatale au glyphosate et développement du syndrome.
Il a enfin été observé chez le poisson zèbre exposé au glyphosate un effet neurocomportemental, comme une diminution de la locomotion, une activité exploratoire réduite, une diminution de l’agressivité ou une altération de la mémoire en lien avec qu’une altération de la chaîne respiratoire mitochondriale de certains neurones.
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances capables d’interférer avec le système hormonal.
Beaucoup d’études ont testé un potentiel effet du glyphosate ou plus fréquemment des produits à base de Glyphosate (GBH) sur la reproduction, principalement chez les rongeurs et ont conclu que les GBHs sont des perturbateurs endocriniens des fonctions de reproduction, associés à des effets de type androgéniques.
Par exemple, le glyphosate et les GBHs peuvent induire à des doses équivalent et parfois inférieures à la NOAEL (dose sans effet nocif observable) des altérations de l'ensemble de l'appareil reproducteur comme une augmentation de la distance ano-génitale [un marqueur de masculinisation], un retard des premières chaleurs ou des concentrations de testostérone significativement plus élevée chez les femelles.
Chez les mâles, une récente méta-analyse réalisée à l’aide d’études sur un ensemble de rongeurs, a même conclu à une association entre l’exposition au glyphosate et la diminution de la concentration de spermatozoïdes, de leur mobilité et du pourcentage d’anomalies morphologiques.
Alors que la génétique correspond à l’étude des gènes, l’épigénétique s’intéresse à une « couche » d’informations complémentaires qui définit comment ces gènes vont être utilisés par une cellule… ou ne pas l’être. En d’autres termes, l’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires. Contrairement aux mutations qui affectent la séquence d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles.
Toxicologie générationnelle
Une étude publiée dans la revue Scientific Reports a révélé que l’exposition au glyphosate de rats femelle durant leur gestation induisait des impacts négligeables sur la pathologie de la génération F0 (mère) directement exposée ou sur celle de la progéniture ( génération F1). En revanche, on a observé des augmentations spectaculaires des pathologies chez les petits-enfants (génération F2) et les arrière-petits-enfants (génération F3) a aucun moment directement exposé au Glyphosate. Les pathologies transgénérationnelles observées comprennent les maladies de la prostate, l'obésité, les maladies rénales, les maladies ovariennes…
La loi devrait autoriser la circulation d’un produit phytosanitaire seulement s’il n’a pas d’effets secondaires inacceptables sur la santé humaine ou l’environnement en application du principe de précaution. Mais si ces effets indésirables sont tout simplement ignorés ou au mieux minimisés, comment ne pas douter de la pertinence et de l’impartialité du système d’homologation actuel qui ne semble servir, dans le cas du glyphosate
qu’à justifier l’injustifiable et à privilégier les intérêts à court terme de l’agriculture industrielle au détriment de la santé humaine et de l’environnement.
Microbiote
Neurotoxicité
Epigénétique
Perturbateur endocrinienne & reprotoxique