Hausse des ventes de pesticides de synthèse en 2022

Préambule

Fin 2023, l’OFAG a publié sur son site internet les volumes de ventes des produits phytosanitaires en Suisse pour l’année 2022. Ces chiffres généraux englobent les usages professionnels et amateurs et leurs différentes destinations : protection des cultures agricoles, entretien du paysage, terrains de jeu, parcs et jardins.

Bien que ces chiffres soient utiles pour déterminer l'évolution des ventes au cours du temps des différentes substances ou groupes de substances, ils ne permettent néanmoins guère de statuer sur l’évolution des risques encourus par l’environnement, l’homme ou la biodiversité. En effet, ces risques sont avant tout déterminés par la toxicité propre à chaque pesticide qui, selon une étude récente, a  tendance à s'accroitre au fil du temps. Par exemple, cela n’a que peu de sens de comparer des tonnes d’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde surpuissant - déjà à très faible dose -, classé toxique pour la reproduction et suspecté de nuire au développement neuronal, avec des tonnes de Caolin, une argile servant de répulsif contre les insectes, sans aucun effet sur l'homme et l’environnement.

D'ailleurs, pour palier à ces graves manquements, dans le cadre de la loi fédérale sur la réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides, le conseil fédéral a développé en 2021 des indicateurs plus précis, basés le risque potentiel des différentes substances, les surfaces traitées et un facteur d’exposition afin de calculer l’évolution du risque des pesticides sur les eaux souterraines et de surface et les habitats proches de l’état naturel. Cette démarche était indispensable mais pourquoi s'être limité à l'eau et la biodiversité et n'avoir pas développé un tel type d'indicateur pour la santé humaine? La population suisse n’est-elle pas enfin en droit de savoir quels risques elle encoure de l’usage des pesticides?

Evolution des volumes de ventes des pesticides

Entre 2021 et 2022

2200 tonnes de produits phytosanitaires vendues en Suisse en 2022, soit 57 tonnes ou 2.5 % de moins qu'en 2021. Cette baisse ne compense toutefois pas, et de loin, la forte augmentation constatée entre 2020 et 2021 (+ 329 tonnes).

• Baisse de 11% (-138 tonnes) des substances actives autorisées en agriculture biologique (principalement le Soufre et le Cuivre).
• Hausse de 8% (+80 tonnes) des substances actives autorisées en agriculture conventionnelle (principalement le Glyphosate et les Metirame, Captan et Folpet).
• Baisse de 12.5% (27 tonnes) des substances à potentiel de risque particulier, c'est à dire ayant des     propriétés particulièrement indésirables pour la santé humaine et pour l’environnement (principalement le Cuivre et le Tebuconazole, un fongicide reconnu perturbateur endocrinien et reprotoxique depuis de nombreuses années).
• Hausse de 9% (+38 tonnes) des herbicides (principalement le Glyphosate (+73%) lié à des effets de stock selon l'OFAG).

Entre 2008 et 2022

Sur l’ensemble de la période de mesure (2008 à 2022), les ventes de produits phytosanitaires ont baissé de seulement 34 tonnes ou 1,5%.

• Hausse de 85% des substances actives autorisées en agriculture biologique.
• Baisse de 33% des substances actives autorisées en agriculture conventionnelle (principalement des pesticides de synthèse).
• Baisse de 23% des substances à potentiel de risque particulier.
• Baisse de 44% des herbicides.

Aujourd’hui, les volumes de ventes sont quasi similaires entre des substances actives autorisées en agriculture biologique et conventionnelle: 1122 tonnes contre 1080 tonnes ce qui était loin d’être le cas en 2008 (604 tonnes contre 1633 tonnes).

Top 5 des pesticides de synthèse les plus vendus et leur toxicité

Glyphosate H, 182 tonnes (+72%)

Génotoxique et cancérogène probable

En mars 2015, le CIRC, Centre International de Recherche sur le Cancer, a classé le Glyphosate comme cancérogène probable pour l’être humain (lymphomes non hodgkiniens) et a aussi conclu qu’il y avait de fortes présomptions que cette substance soit génotoxique, c’est à dire capable d’endommager l’ADN. Pour rappel, l’évaluation du CIRC repose sur l'examen systématique de toutes les études pertinentes et accessibles au public, par des experts indépendants, libres de tout intérêt particulier contrairement à celle des autorités sanitaires et de régulation qui se base presque exclusivement sur les études confidentielles fournies par les fabricants.

Perturbateur endocrinien

En 2022, une synthèse bibliographique réalisée par l’INRAE, Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement,  a montré que le Glyphosate était un perturbateur endocrinien des fonctions de reproduction et a mis en évidence les mécanismes d'action du glyphosate et des herbicides à base de glyphosate sur la fertilité mâle et femelle chez les animaux modèles et l’humain.

Neurotoxique

Une étude se basant sur 2961 individus vivants en Californie et souffrant de troubles du spectre autistique avec ou sans déficience intellectuelle, a montré une corrélation nette entre exposition prénatale au glyphosate et développement du syndrome.

Perturbation du microbiote intestinal (ou flore intestinale)

En ciblant une enzyme que l’on retrouve chez les plantes mais aussi chez les bactéries, le glyphosate est suspecté d’entrainer, même à faible dose, une dysbiose du microbiote intestinal, c’est-à-dire une perturbation de l’équilibre du microbiote prédisposant à certaines pathologies telles que les troubles inflammatoires de l’intestin, les troubles anxieux et dépressifs, l’obésité ou le diabète.

Folpet F, 138 tonnes (+32%)

Cancérogène

Cette substance est suspectée de provoquer le cancer (cancer du duodénum) par les agences réglementaires européennes et suisses.

Fort pouvoir irritant sur les muqueuses

Le Folpet est nocif par inhalation, provoque de sévères irritations des yeux et peut provoquer des allergies cutanées.

Captam F, 76 tonnes (+61%)

Cancérogène

Cette substance est suspectée de provoquer le cancer par les agences réglementaires européennes et suisses.

Fort pouvoir irritant sur les muqueuses

Le Captan provoque des lésions oculaires graves et peut provoquer des allergies cutanées.

Metirame F, 39 tonnes (+1700% !)

Perturbateur endocrinien

Le 7 novembre 2023, la commission européenne a décidé de ne pas renouveler l’autorisation de la substance active et a conclu que le Metirame satisfait aux critères pour être considéré comme un perturbateur endocrinien pour l’homme.

L’explosion des ventes en 2022 de cette substance + 1700% n’est certainement pas étrangère à cette décision qui était attendue déjà depuis un certains temps.

Pendimethaline H, 28 tonnes (+9,5%)

Cette substances active présente un potentiel de risque particulier, c'est à dire qu’elle possède des propriétés particulièrement indésirables pour la santé humaine et pour l’environnement  selon le « Plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires ».

Perturbateur endocrinien

En 2021, l'Anses notait l'existence de données expérimentales pouvant suggérer le caractère perturbateur endocrinien de cette substance. Elle est également suspectée de reprotoxicité (susceptible de nuire au fœtus) par les agences réglementaires européennes.